Page images
PDF
EPUB

grand qu'eux aux yeux des hommes, il faut avoir été comme eux fidèle à Dieu.

Grand Dieu! plus le trône est environné de piéges, plus les rois ont besoin que vous les environniez de votre protection et des secours de votre grande miséricorde. Mais plus une tendre jeunesse et une enfance délaissée à ellemême et à tous les périls de la royauté expose cet enfant auguste, plus il doit devenir l'objet de vos soins et de votre tendresse paternelle.

Armez de bonne heure l'innocence de son cœur contre les dérisions qui avilissent la piété, et contre les écueils de la piété même: donnez-lui ces vertus qui sanctifient l'homme, et qui font en même temps le grand roi: faites qu'il respecte ceux qui vous servent, et qu'il serve lui-même le Dieu de ses pères avec cette majesté qui seule peut rendre les rois respectables.

Jetez les yeux sur lui du haut du ciel, grand Dieu, et voyez ici à vos pieds cet enfant auguste et précieux, la seule ressource de la monarchie, l'enfant de l'Europe, le gage sacré de la paix des peuples et des nations. Les entrailles de votre miséricorde n'en sont-elles pas émues? regardez-le, grand Dieu, avec les yeux et la tendresse de toute la nation.

Ecoutez la première voix de son cœur inno

cent, qui vous dit ici, comme autrefois un saint roi : Dieu de mes pères, regardez - moi : laissez-vous toucher de pitié à la vue des périls que mon âge et mon rang me préparent, et qui vont m'entourer de toutes parts au sortir de l'enfance: Respice in me, et miserere met1. Soyez vous-même le défenseur de mon trône et de ma jeunesse. Conservez l'empire à l'enfant de tant de rois, et qui ne connoît pas de titre plus glorieux que d'être le premier né de vos enfants: Da imperium puero tuo.

Mais que la conservation d'une couronne terrestre, grand Dieu, ne soit pas le seul de vos bienfaits. Sauvez le fils d'Adélaïde, des Blanche, des Clotilde, et de tant de pieuses princesses qui me portent encore devant vous dans leur sein comme l'enfant de leur amour et de leurs plus chères espérances: Et salvum fac filium ancillæ tuæ. Et puisque l'innocence attire toujours sur elle vos regards les plus propices et les plus tendres, conservez-la-moi, grand Dieu, aussi long-temps que ma couronne, afin qu'après avoir régné par vous heureusement sur la terre, je puisse régner avec vous éternellement dans le ciel.

› Ps. 85. 16.

Ainsi soit-il.

SERMON

POUR

LE VENDREDI SAINT.

SUR LES OBSTACLES QUE LA VÉRITÉ TROUVE

DANS LE COEUR DES GRANDS.

Astiterunt reges terræ, et principes convenerunt in adversus Dominum, et adversus Christum ejus.

unum,

Les rois de la terre se sont présentés, et les princes se sont assemblés contre le Seigneur et contre son Christ.

Ps. 2. 2.

SIRE,

TOUTES les puissances de la terre semblent se réunir aujourd'hui pour condamner JésusChrist à la mort ; et la mort de Jésus-Christ n'est qu'une condamnation éclatante des passions des grands et des puissants de la terre.

C'est un pontife éternel qui s'offre lui-même pour son peuple, comme la seule victime capable d'expier ses iniquités et d'apaiser la colère de Dieu; c'est un ministre et un envoyé de son père, qui rend témoignage par son sang

à la vérité de sa mission et de son ministère; c'est un roi qui entre en possesion par sa mort de l'empire de l'univers; il réunit en sa personne tous les titres glorieux dont l'orgueil des hommes se pare.

Cependant ce pontife est livré aujourd'hui par la jalousie des grands-prêtres ; ce ministre et cet envoyé du ciel oppose en vain son innocence à l'ambition et à la lâcheté d'un ministre de César; ce roi, à qui toutes les nations ont été données comme son héritage, devient le jouet de l'indifférence et de la vaine curiosité d'un roi usurpateur de la Judée. Il falloit que tout ce qui porte le nom de grand sur la terre, la jalousie des pontifes, la lâcheté de Pilate et l'indifférence d'Hérode, en condamnant JésusChrist, fissent éclater sa grandeur et sa puissance: Astiterunt reges terræ, etc.

De toutes les instructions que nous offre aujourd'hui le spectacle de la croix, il n'en est pas ici de plus convenable; et puisque nous ne saurions en exposer à votre piété toutes les circonstances, contentons-nous de vous y montrer les obstacles que la vérité trouve dans le cœur des grands de la terre; c'est-à-dire, JésusChrist condamné à la mort par les passions des grands, et les passions des grands condamnées par la mort de Jésus-Christ.

PREMIÈRE PARTIE,

SIRE, la vérité, toujours odieuse aux grands, trouve encore aujourd'hui sur la terre les mêmes ennemis qui l'attachèrent autrefois avec Jésus-Christ sur la croix: la jalousie la persécute, un lâche intérêt la sacrifie, l'indifférence la méprise, et la tourne même en risée.

Mais de toutes les passions que les hommes opposent à la vérité, la jalousie est la plus dangereuse, parce qu'elle est la plus incurable; c'est un vice qui mène à tout, parce qu'on se le déguise toujours à soi-même; c'est l'ennemi éternel du mérite et de la vertu ; tout ce que les hommes admirent l'enflamme et l'irrite; il ne pardonne qu'au vice et à l'obscurité; il faut être indigne des regards publics pour mériter ses égards et son indulgence.

Si les prodiges de Jésus-Christ avoient moins éclaté dans la Judée, les princes des prêtres moins éblouis de sa gloire, ne lui eussent pas disputé son innocence; et leur zèle jaloux ne l'auroit pas trouvé digne de mort, s'il ne l'eût été des louanges et des acclamations publiques : Quid facimus, quia hic homo multa signa fa

cit

Telle est l'impression de haine et de jalou

1 Joan. II. 47.

« PreviousContinue »