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question ne peut plus suffire au chrétien non plus qu'au philosophe, et l'un et l'autre sont obligés de chercher dans la révélation et dans la raison une notion moins imparfaite de la Divinité ou une démonstration de son existence qui soit plus en rapport avec ses perfections.

Ici le christianisme nous enseigne des dogmes qui ne sont qu'à lui. Une révélation devait nous apprendre ce que nous aurions ignoré sans elle. C'est ainsi que l'Église nous révèle le dogme de la Trinité. Malgré les analogies qu'on a prétendu trouver dans Platon et les Alexandrins, je persiste à croire que l'idée de la Trinité est essentiellement chrétienne, et que l'esprit humain ne s'y serait point élevé par lui-même. Il faut donc laisser à la théologie positive les dogmes révélés et connus seulement par la révélation. Il y a dans le christianisme des vérités plus générales, je veux dire plus généralement connues, puisqu'elles sont communes à l'orthodoxe, à l'arien, au déiste, même au païen où au mahométan éclairé. Ces notions que le christianisme enseigne sans les discuter ni les démontrer sont par exemple celles-ci: Dieu est un

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Ces notions chrétiennes, se rencontrant aussi dans certaines théodicées philosophiques, sont donc aussi des notions de la raison, de la pure raison; car apparemment aucune sensation, aucune expérience ne nous les suggère. Pour que Dieu soit créateur, il faut que tout ait commencé; or, c'est dans l'esprit humain seulement que nous pouvons trouver cette idée, soit comme principe démontré, soit comme croyance naturelle. Il n'est certes pas moins vrai que ni la perfection, ni la notion d'un pur esprit n'ont été dérivées d'une expérience actuelle, et la raison seule est capable de pareilles conceptions. Si donc il était possible de fonder l'existence de Dieu sur une de ces idées, par exemple sur celle de sa perfection, cette démonstration ne serait point, comme la preuve tirée de l'ordre du monde ou du consentement universel, dérivée d'un fait d'expérience ou de perception directe, une preuve à posteriori. Elle pourrait par conséquent être à un certain point qualifiée de preuve à priori. Toutes les preuves de ce genre,

étant puisées directement dans l'esprit humain, ont plus ou moins ce caractère général de tirer de l'idée de Dieu l'existence de Dieu.

C'est surtout à Descartes, comme chacun sait, qu'il faut recourir pour connaître ce genre de preuves. Il en a donné deux distinctes qu'on a confondues à tort, et dont la meilleure est celle où il fait entrer l'idée de cause. Elles ont été si souvent exposées, qu'il est inutile d'y revenir. Rappelons seulement que la principale de ces preuves n'est pas entièrement originale, et qu'on pourrait en rechercher le type initial dans saint Anselme, dans saint Augustin et jusque dans Platon. Ajoutons que la preuve ou les preuves de Descartes ne sont pas les seules qui aient été dites à priori; plus d'une fois, à tort ou à raison, on a cru pouvoir démontrer l'existence de Dieu par sa nature même, ce qui est le propre de ces sortes de démonstrations. Or, comme la nature de Dieu n'est pas objet d'expérience, mais notion purement rationnelle, c'est donc toujours à l'idée de Dieu qu'il a fallu revenir pour remonter jusqu'à lui, et tel est en effet le procédé cartésien, et malheureusement pour

Descartes, le procédé cartésien a été celui de Spinoza. Le danger de la preuve par l'idée de Dieu, c'est le spinozisme. Je rappelle le danger pour qu'on ait soin de l'éviter.

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Cicéron nous a conservé dans sa version latine un beau passage d'Aristote où l'admiration religieuse que doit inspirer le spectacle de l'univers est vivement peinte, et il range l'écrivain grec parmi les philosophes à qui l'ordre a révélé l'ordonnateur. Il aurait pu ajouter que c'est Aristote qui a mis dans la science la cause finale sous son nom, et qu'il en a fait pour ainsi dire la loi de la nature, en répétant sans cesse ces mots pris longtemps pour axiome: « La nature ne fait rien en vain. » Une fois même il s'oublie, et il appelle la nature Dieu. Cependant ne se

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