Il semble donc, d'après ces résultats, que les prématurés soient surtout sensibles à l'action du streptocoque et du bactérium coli, et moins à l'action du staphylocoque, tandis que la susceptibilité à l'égard de ce dernier microbe deviendrait plus grande chez les nourrissons âgés de quelques mois. Il est, d'autre part, intéressant de voir, en passant des prématurés pour arriver aux enfants de 4 à 5 ans, la progression décroissante véritablement mathématique de ces infections. sanguines. Très fréquentes chez les premiers, puisque nous les avons trouvées dans 73,5. p. 100 des cas, elles diminuent à mesure que les enfants avancent en âge et deviennent, chez ceux de 5 ans comme chez les adultes, excessivement rares. A quoi peut-on attribuer ce fait? Les muqueuses intestinale et pulmonaire, dit le professeur Hutinel, sont chez les nouveau-nés de larges surfaces d'absorption mal défendues et bien faites pour se laisser pénétrer par les germes. Ce sont évidemment l'intestin et le poumon les deux portes d'entrée les plus fréquentes des germes morbides qui passent de là dans la circulation. Ajoutez à cela, chez eux, la plaie ombilicale au niveau de laquelle les microorganismes pénètrent pour ainsi dire directement dans la circulation par les vaisseaux ombilicaux. Cette généralisation sanguine se fait avec une facilité et une rapidité remarquable chez les prématurés. La mort survient habituellement chez eux en vingt-quatre heures, quarante-huit au maximum, à partir du moment où ils ont des microbes en circulation dans le sang. J'en ai même vu mourir en cinq et six heures, pris absolument en bonne santé. Il s'agit là de véritables septicémies. Un autre fait des plus curieux m'a encore frappé au cours de ces expériences. Chaque fois que je faisais une petite prise de sang chez ces enfants, et particulièrement chez les prématurés, il se produisait une amélioration de l'état général passagère, mais des plus manifeste, et ce fut pour moi une révélation lors qu'un de ces enfants, qui était mourant et à qui je pris un peu de sang pour l'ensemencer, se rétablit ensuite complètement. De là à employer cette saignée comme moyen thérapeutique il n'y avait qu'un pas, et, depuis plus d'un an que M. Hutinel a bien voulu me confier la direction de son pavillon de prématurés aux Enfants-Assistés, je l'ai employé avec un succès véritablement étonnant. Lorsque je n'ai pas eu de guérison, j'ai toujours obtenu une amélioration immédiate et souvent assez durable. Je compte d'ailleurs faire de ces faits détaillés le sujet d'une autre communication. Cette saignée chez des enfants de 1,800 à 2,000 grammes peut être faite soit par petites soustractions de 2 à 3 centim. cubes, soit, dans les cas graves, en prélevant d'un seul coup 15 à 20 centim. cubes de sang, ce qui équivaut, chez un adulte, à une saignée de 6 à 800 grammes. J'ai vu avec ce moyen des enfants cyanosés, froids et absolument mourants, ressusciter positivement sous mes yeux. Ces saignées seront, bien entendu, suivies immédiatement d'une injection de 20 à 30 centim. cubes de sérum artificiel. Certes, il peut paraître extraordinaire de soustraire une quantité assez notable de sang à un enfant qui en a déjà si peu, mais je dois m'incliner devant les résultats obtenus qui peuvent d'ailleurs peut-être s'expliquer de la façon suivante : Cette saignée agit chez les prématurés en stimulant l'activité de leurs organes hémato et lymphopoiétiques. Or, d'après les faits que j'ai pu étudier jusqu'à présent, il me semble que c'est à l'insuffisance de ces appareils, qui sont les principaux moyens de défense de l'organisme, que l'on peut attribuer la facilité avec laquelle les infections se généralisent chez ces petits êtres. J'étudie précisément en ce moment la façon dont ces organes hémato et lymphopoiétiques et le sang lui-même réagissent au cours de ces septicémies, et j'espère dans quelque temps pouvoir publier à ce sujet des résultats intéressants. REVUE GÉNÉRALE DE L'ANESTHÉSIE PAR INJECTION DE COCAINE SOUS L'ARACHNOIDE LOMBAIRE Par le Dr Labusquière. Cette méthode d'anesthésie, intermédiaire à l'anesthésie. générale (chloroforme, éther, protoxyde d'azote), et à l'anesthésie strictement locale (cocaïne, chlorure d'éthyle, éther, etc.), suscite de plus en plus l'intérêt des chirurgiens, des gynécologues et des accoucheurs. Et, après des débuts très modestes, elle semble, depuis un certain temps, entrer de plus en plus dans la pratique. Tout le monde sait aujourd'hui en quoi elle consiste injecter dans l'espace sous-arachnoïdien, au niveau de la région lombaire, de très faibles doses de chlorhydrate de cocaïne, 1 à 2 centigr. en moyenne, sous forme d'une solution faible, soit à 1 p. 100, 2 p. 100 au plus, les solutions plus concentrées étant plus susceptibles de provoquer des accidents. La petite opération étant entourée de toutes les précautions qu'exige, à l'heure actuelle, une antisepsie rigoureuse. L'histoire de la méthode a été récemment esquissée par Tuffier, qui, certes, a le plus contribué à la vulgarisation du nouveau procédé anesthésique. Il a rappelé que l'honneur de la découverte revient avant tout à Leonard Corning, de NewYork qui, dès 1885, injecta dans le canal rachidien une solution de cocaïne pour obtenir l'anesthésie du segment inférieur du corps et proposa cette injection comme moyen d'analgésie chirurgicale. Corning avait expérimenté sur des chiens et traité des malades, et cela avec succès, mais sans réussir, malgré plusieurs publications, à trouver des imitateurs. En 1891 seulement, soit six ans plus tard, Quincque établit la facilité et l'innocuité de la ponction lombaire; en 1892, Mosso et Franck apprennent que la cocaïne, par contact direct sur un nerf, produit, en quelques minutes, une anesthésie parfaite, qui est suivie du retour ad integrum des éléments nerveux; en 1898, Sicard utilise la voie sous-arachnoïdienne avec l'espoir d'agir plus vite et plus efficacement dans un cas de tétanos confirmé depuis plusieurs jours, et, par une série d'expériences, démontre que le liquide céphalo-rachidien s'accommode aisément de solutions médicamenteuses aseptiques (1). Jaboulay (de Lyon), Jacob (en Allemagne), arrivent à des conclusions expérimentales semblables. La ponction lombaire est facile et non dangereuse. La cocaïne, portée directement sur les éléments nerveux, produit une anesthésie parfaite et ces éléments nerveux, l'anesthésie disparue, reviennent à l'état normal. Une solution de cocaïne, à condition d'être aseptique et à un certain degré de dilution, peut être mélangée, dans l'espace sous-arachnoïdien lombaire, au liquide céphalo-rachidien, sans inconvénients au moins graves; ces notions sont déjà acquises, quand Bier, en avril 1899, applique l'injection sous-arachnoïdienne lombaire à la chirurgie, dans le but d'obtenir l'immobilité de régions étendues du corps, et il réussit, avec de faibles doses de cocaïne, à obtenir une anesthésie si profonde qu'il peut pratiquer des opérations importantes sur les os et sur les parties molles, sans que les malades souffrent. Il n'observe d'ailleurs, au cours de ses expériences, aucun inconvénient grave, mais plutôt certains effets désagréables, céphalée, vomissements, nausées, senti (1) TUFFIER, La Presse médicale, novembre 1900, p. 323. ment de faiblesse, ainsi qu'il les constata d'ailleurs sur luimême et sur le Dr Hildebrand, tous les deux s'étant soumis à la cocaïnisation sous-arachnoïdienne. Toutefois, comme en certains cas ces malaises survécurent assez longtemps à l'anesthésie, Bier fit des réserves sur la généralisation de l'emploi de la méthode et pensa qu'il y avait lieu de recueillir des éléments plus nombreux d'appréciation. Peu après, Tuffier, dont la contribution marque une date importante dans l'histoire de la méthode, fait sa première communication à la Société de biologie, le 11 novembre 1899 (1) et, après avoir cité les tentatives et les résultats obtenus par Bier, explique comment il a été conduit à utiliser la cocaïnisation sous-arachnoïdienne. Il avait dans son service un malade atteint d'un ostéo-sarcome du bassin récidivé, inopérable et très douloureux. Or, ayant eu connaissance des bons résultats que Sicard et Gasne avaient, dans certains cas, obtenus chez des tabétiques, contre les douleurs fulgurantes, par la cocaïnisation sous-arachnoïdienne, il eut l'idée de les expérimenter chez son malade, et les résultats, bien que passagers, furent des plus remarquables. Le malade, qui conservait le plus possible ses membres inférieurs immobiles, put les mouvoir sans douleur, et l'anesthésie fut, à plusieurs reprises, obtenue et pour plusieurs heures. De là à utiliser cette anesthésie remarquable pour l'intervention chirurgicale, il n'y avait qu'un pas. Tuffier pratiqua d'abord l'extirpation d'un énorme sarcome récidivé de la cuisse droite chez une femme de 40 ans. L'anesthésie fut absolue; il multiplia ensuite ses interventions, et il eut de si nombreux imitateurs que dans un travail récent Doléris et Malartic (1) ont pu écrire: «< Dans l'article de Tuffier auquel nous faisons allusion, on peut lire que Tuffier table aujourd'hui sur une statistique qui ne doit pas être éloignée du chiffre de mille opérations, etc ». (1) La Semaine médicale, novembre 1899, p. 389. (2) DOLERIS et MALARTIC.Analgésie obstétricale par injection de cocaïne dans l'arachnoïde lombaire. Revue de thérapeutique médico-chirurg., décembre, no 24, p. 829. |