se montraient, du reste, comme autant de billes blanches et dures, parsemant la surface rouge de l'utérus. Ces diverses constatations dictaient l'opération nécessaire. J'ai doucement décollé du doigt les adhérences friables et j'ai désinséré, puis réséqué la grosse bride fibreuse qui était l'agent principal de la déviation. L'utérus s'est aussitôt redressé de lui-même en bonne place, et, sans autre incident, j'ai terminé l'opération par la suture de la paroi abdominale faite avec un seul plan de fils d'argent, mais faite avec le plus grand soin, c'est-à-dire avec le souci de comprendre dans chaque anse de fil très peu de péritoine, beaucoup de muscle et peu de peau ; manière de faire qui donne, à mon avis, des réunions aussi solides que les sutures les plus complexes et les plus étagées. Les suites de cette opération ont été des plus simples. Mme X... est sortie de la maison de santé trois semaines après en parfaite santé, et la grossesse a continué son cours. Par malheur, cette heureuse marche des événements n'a pas continué. Peu après sa rentrée chez elle, Mme X... s'est trouvée aux prises avec une série de malheurs domestiques; elle a dû physiquement se fatiguer à l'excès, et, le 30 mars, c'est-à-dire près de sept semaines après l'opération, alors que rien ne lui faisait redouter pareil incident, une hémorrhagie utérine très abondante s'est produite. Transportée immédiatement dans mon service de la Salpêtrière, elle expulsait le lendemain un foetus normal de six mois. Mme X... a quitté mon service vingt jours après, et, depuis, sa bonne santé ne s'est pas démentie. Tel est le fait simple mais instructif, que je désirais vous soumettre. Aurais-je pu éviter l'erreur de diagnostic commise? je ne le crois pas. Deux seuls moyens, en effet, auraient pu me mettre en bonne voie : l'hystérométrie et l'expectation. Or, je n'ai pas à dire combien le premier de ces moyens eût été désastreux; et, si j'en parle, c'est parce que je l'ai trouvé noté, et bien entendu regretté, dans une observation similaire, publiée par Mme Petrona Ouzounova (1) sous l'inspiration de M. Pollosson. Quant à l'expectation, dont on ne saurait trop vanter les souverains avantages en tout cas douteux, elle m'était ici défendue par mcn diagnostic. Je n'ai donc rien à regretter. D'autant qu'avec un diagnostic juste, j'aurais dû suivre exactement la même conduite. Vous voudrez bien reconnaître enfin que si mon observation ne fournit pas de renseignement nouveau sur les moyens de tourner sûrement les difficultés de diagnostic que présentent toujours les faits similaires, elle a, tout au moins, l'avantage de montrer qu'il est prudent de les garder en mémoire et de savoir que dans les cas difficiles, il faut aussi bien songer à la possibilité d'une latéroversion d'utérus gravide qu'à celle de la classique rétroversion. (1) PETRONA OUZOUNOVA. Contribution à l'étude de la latéro-flexion de l'utérus gravide. Thèse, no 564, de l'année scolaire lyonnaise 1897-1898. (Voir plus loin l'analyse de H. Varnier, p. 121 et suiv.) UTÉRUS GRAVIDE EN LATÉROFLEXION PRIS POUR UN KYSTE DE L'OVAIRE J'ai, dans mes notes, une observation qui se rapproche beaucoup de celle que vient de nous rapporter M. Segond. En novembre 1899, se présentait à ma consultation une primipare arrivée au sixième mois d'une grossesse utérine diagnostiquée, le 14 septembre précédent, au cours d'une laparotomie faite par un confrère de province dans les conditions suivantes : Mariée depuis trois ans et demi, très mal réglée, ayant eu des périodes d'aménorrhée de dix et douze mois, elle n'avait pas eu ses règles depuis décembre 1898 lorsque, vers la fin de juin 1899, elle commença à éprouver, du côté du petit bassin, des troubles qui l'amenèrent à soupçonner un début de grossesse remontant au 21 mai, et à consulter. Il n'y eut pas moins de six consultants de juin à août. La majorité ayant éliminé le diagnostic grossesse, deux chirurgiens furent appelés séparément à la rescousse. Ils conclurent tous deux à kyste ovarique nécessitant une laparotomie. Celle-ci fut pratiquée le 14 septembre. L'opérateur m'a écrit, en réponse à une demande de renseignements: (1) Communication à la Société d'obst., de gyn, et de péd. de Paris, 7 décembre 1900. « J'ai en effet opéré cette dame en septembre, à la suite d'une erreur de diagnostic, et croyant qu'il s'agissait d'un kyste de l'ovaire. J'ai trouvé une grossesse de trois mois et demi environ avec une disposition particulière de l'utérus, une latéroflexion de l'utérus gravide, disposition qui a été la cause de mon erreur. « Voici ce qu'on trouva, vu de face (fig. 1) et on l'interpréta comme le montre la figure 2. « Dans ce cas l'erreur était presque imposée par les irrégularités des règles. La malade, qui n'a été réglée que cinq ou six fois dans sa vie, avait eu ses dernières époques fin décembre 1898 et aurait dû, d'après le calcul, être enceinte de neuf mois quand je l'ai opérée, tandis qu'il m'a semblé qu'elle l'était de trois mois et demi environ. « Dans le cas particulier j'ai voulu, avant d'opérer, que la malade fût examinée par un de mes collègues. M. X..., agrégé de chirurgie, l'a vue (sans moi) et a fait le diagnostic de tumeur de l'ovaire et posé l'indication d'opérer. Cela pour vous montrer que l'erreur ne résulte pas d'un emballement personnel. « Pendant l'opération, je me suis contenté de corriger un peu la flexion en soulevant le fond utérin. La correction se fait d'ailleurs d'elle-même par le développement de la matrice. » La grossesse en question, après guérison de la laparotomie. surajoutée, a évolué sous mes yeux dans des conditions absolument normales. Ma cliente, qui seule avait tenu pour la grossesse, en précisait le début 21 mai 1899. D'après ce renseignement, la date probable de l'accouchement devait osciller autour du 20 février (275o jour). Les premières douleurs ont commencé le 25 février à minuit, et l'accouchement s'est terminé le 27, à 4 heures du matin, par une application de forceps au détroit inférieur (résistance périnéale). L'enfant, vivant, bien développé, pesait 3,500 grammes. Délivrance et suites de couches normales. Les deux observations qui précèdent ne sont pas isolées. Dans la thèse de Mme P. Ouzounowa que vous a citée notre collègue M. Segond, vous trouverez la relation de trois cas semblables dus à mon collègue et ami, Aug. Pollosson, de Lyon. I. Le premier a trait à une femme de 25 ans, ayant déjà eu un enfant. Elle entre, en juin 1897, à l'infirmerie de la maternité de la Charité, ayant un retard dans les règles de quinze à vingt jours et se plaignant de douleurs de ventre surtout marquées à droite et de l'impossibilité de travailler. Depuis son premier accouchement, pertes blanches, métrite catarrhale et un peu de douleurs font penser à une salpingite. A l'examen: col dévié légèrement à gauche; dans le cul-desac latéral droit, masse rénitente du volume d'un œuf de poule, douloureuse et de forme irrégulière. Il semble que l'utérus, de petit volume, est déjeté à gauche et que la tumeur du cul-de-sac droit est indépendante de l'utérus. Diagnostic: Salpingite. Traitement: au repos, en observation. On vit alors la tumeur latérale droite continuer à se développer: en même temps elle se redressa et devint plus médiane, et l'on put constater qu'elle n'était pas indépendante de l'utérus, mais qu'elle représentait le corps utérin en continuité avec un col légèrement allongé. Les douleurs diminuèrent en même temps que le redressement s'opéra, et l'on constata qu'il s'agissait d'une grossesse ANN. DE GYN, VOL LV 9 |