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avances à Charron sans le connaître autrement', M. de Boulogne et vous, écrit Charron à La Rochemaillet en parlant de son livre, le pouvez voir et faire voir, et en obtenir l'approbation de quelques docteurs, s'il est possible; mais n'en faut faire bruit, car quelque malicieux se pourrait susciter qui dégoûterait et empêcherait ladite approbation: il y a de la malice et de l'envie partout. » Le mauvais vouloir persista, en effet, et si Charron recevait volontiers quelques approbations privées pour son écrit, il lui était fort difficile d'en obtenir une officielle de la Sorbonne, comme il le désirait. « Je remets toute la conduite de cette impression au jugement de M. de Boulogne et au vôtre, écrit-il à ce sujet à La Rochemaillet. Ces additions et corrections tendent à éclaircir et fortifier et en quelques lieux adoucir. Aucuns de mes meilleurs amis de deçà, gens clairvoyants et nullement pédants, en sont bien édifiés et satisfaits et sans cela ne le sont pas. Je désire fort une approbation de deux docteurs pour arrêter toute malice, censure, opposition ou condamnation publique; car

1. Si l'on en croit L'Estoile, la recommandation de Claude Dormy ne pouvait pas avoir grand effet. « Sur la fin de ce mois (juin 1604), lit-on dans les Mémoires-journaux de Pierre de L'Estoile, t. VIII, p. 160), l'évêque de Boulogne, accusé d'avoir fait quelques charmes et sorcelleries contre la vie et état du roi, fut mis prisonnier en la Bastille, avec une damoiselle nommée Montpelier et sa fille, qu'on disait aussi s'en mêler. Mais leurs maisons et cabinets fouillés et leurs papiers inventoriés, on n'y trouva que des poulets d'amour, qui était la magie que l'évêque et les damoiselles exerçaient; tellement qu'à faute de preuve furent, peu après, élargis et mis dehors >>.

les particulières, par écrit ou autrement, je les dédaigne et me seront un passe temps. » Puis, revenant dans un post-scriptum sur le même sujet, Charron s'en explique encore plus nettement. « Ledit sieur (de Boulogne) ne sera pas peut-être de cet avis de mettre aucune addition ou correction à mon livre, car il me fait assez sentir par sa dernière qu'il ne le trouve pas bon. D'autre part, je connais qu'il est fort expédient, pour fermer la bouche aux malicieux, contenter les simples, faciliter une approbation des docteurs, de mettre celles que je vous envoie, lesquelles, sans rien altérer du sens et de la substance, servent beaucoup à ces trois fins. C'est pourquoi je vous veux prier de tenir la main que mesdites additions et corrections soient insérées en cette seconde édition, nonobstant l'avis contraire dudit seigneur, auquel vous pourrez remontrer les raisons susdites, et nonobstant que je m'en remets à son bon avis et jugement; bien consentirai-je que, suivant son avis, l'on ne mette point en la face du livre ces mots ordinaires Revu, corrigé et augmenté. »

Toutes ces concessions demeuraient inutiles. En vain Charron amendait-il son livre en le revoyant et s'efforçait-il d'en expliquer la portée véritable dans une préface nouvelle, la Sorbonne demeurait inflexible et se refusait à patronner ce traité. « Puisque l'on ne peut obtenir approbation des docteurs sorbonnistes, confesse Charron à La Rochemaillet (7 avril 1603), je me contenterai fort bien qu'il y ait approbation de quelque ou quelques prélats, elle sera encore plus authentique des prélats que des théologiens, et, au pire pire, le faudra imprimer sans

avances à Charron sans le connaitre autrement 1, M. de Boulogne et vous, écrit Charron à La Rochemaillet en parlant de son livre, le pouvez voir et faire voir, et en obtenir l'approbation de quelques docteurs, s'il est possible; mais n'en faut faire bruit, car quelque malicieux se pourrait susciter qui dégoûterait et empêcherait ladite approbation : il y a de la malice et de l'envie partout. » Le mauvais vouloir persista, en effet, et si Charron recevait volontiers quelques approbations privées pour son écrit, il lui était fort difficile d'en obtenir une officielle de la Sorbonne, comme il le désirait. « Je remets toute la conduite de cette impression au jugement de M. de Boulogne et au vôtre, écrit-il à ce sujet à La Rochemaillet. Ces additions et corrections tendent à éclaircir et fortifier et en quelques lieux adoucir. Aucuns de mes meilleurs amis de deçà, gens clairvoyants et nullement pédants, en sont bien édifiés et satisfaits et sans cela ne le sont pas. Je désire fort une approbation de deux docteurs pour arrêter toute malice, censure, opposition ou condamnation publique; car

1. Si l'on en croit L'Estoile, la recommandation de Claude Dormy ne pouvait pas avoir grand effet. « Sur la fin de ce mois (juin 1604), lit-on dans les Mémoires-journaux de Pierre de L'Estoile, t. VIII, p. 160), l'évêque de Boulogne, accusé d'avoir fait quelques charmes et sorcelleries contre la vie et état du roi, fut mis prisonnier en la Bastille, avec une damoiselle nommée Montpelier et sa fille, qu'on disait aussi s'en mêler. Mais leurs maisons et cabinets fouillés et leurs papiers inventoriés, on n'y trouva que des poulets d'amour, qui était la magie que l'évêque et les damoiselles exerçaient; tellement qu'à faute de preuve furent, peu après, élargis et mis dehors ».

les particulières, par écrit ou autrement, je les dédaigne et me seront un passe temps. » Puis, revenant dans un post-scriptum sur le même sujet, Charron s'en explique encore plus nettement. « Ledit sieur (de Boulogne) ne sera pas peut-être de cet avis de mettre aucune addition ou correction à mon livre, car il me fait assez sentir par sa dernière qu'il ne le trouve pas bon. D'autre part, je connais qu'il est fort expédient, pour fermer la bouche aux malicieux, contenter les simples, faciliter une approbation des docteurs, de mettre celles que je vous envoie, lesquelles, sans rien altérer du sens et de la substance, servent beaucoup à ces trois fins. C'est pourquoi je vous veux prier de tenir la main que mesdites additions et corrections soient insérées en cette seconde édition, nonobstant l'avis contraire dudit seigneur, auquel vous pourrez remontrer les raisons susdites, et nonobstant que je m'en remets à son bon avis et jugement; bien consentirai-je que, suivant son avis, l'on ne mette point en la face du livre ces mots. ordinaires Revu, corrigé et augmenté. »

Toutes ces concessions demeuraient inutiles. En vain Charron amendait-il son livre en le revoyant et s'efforçait-il d'en expliquer la portée véritable dans une préface nouvelle, la Sorbonne demeurait inflexible et se refusait à patronner ce traité. « Puisque l'on ne peut obtenir approbation des docteurs sorbonnistes, confesse Charron à La Rochemaillet (7 avril 1603), je me contenterai fort bien qu'il y ait approbation de quelque ou quelques prélats, elle sera encore plus authentique des prélats que des théologiens, et, au pire pire, le faudra imprimer sans

approbation. Mais c'était là une résolution extrême à laquelle Charron ne pouvait se décider. « Je voudrais, s'écrie-t-il (27 avril 1603), quand il me coûterait cinquante écus, qu'il y eut approbation de deux sorbonnistes en mon livre; ce n'est pas pour moi qui n'estime guère tout cela, mais pour autrui. > Charron serait même déterminé à venir solliciter en personne ce qui lui tient tant à cœur, mais il se défie de son humeur bouillante et craint de reculer ses affaires au lieu de les avancer par quelque démarche inconsidérée. Il s'en explique avec son ami La Rochemaillet (Condom, 15 juillet 1603). « Je ne suis maintenant à Paris; je vous ai mandé la raison, en laquelle je suis encore plus ferme maintenant, ayant vu par celle de M. de Boulogne les difficultés, les bruits et les paroles qui ont été à cause de cette approbation. Je ne me saurais tenir que je ne fisse le fou aussi bien qu'eux, encore que ce ne fut si doctoralement, par profession et préciput comme eux. Il me faut laisser passer ce feu, cette tempête, et non en ma présence souffrir ces affronts. Il me semble que cette approbation se devait mener, pratiquer et soigner secrètement et sans bruit, car j'en suis presque maintenant au désespoir. Ce bruit advenu les aura effarouchés, échauffés, irrités. Les animaux sauvages se doivent avoir par finesse plutôt que par force. >

Charron ne put se contenir ainsi longtemps: deux mois après, il se mettait en route pour Paris, espérant sans doute que ses démarches amèneraient le résultat qu'il souhaitait. D'ailleurs, bien des raisons l'appelaient à Paris. D'une part, l'évêque de Boulo

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